Loyers de référence dans le Code du logement bruxellois, trêvehivernale, surrèglementation et arriérés judiciaires :poussent-ils les propriétaires-bailleurs Bruxellois vers la sortie ?

Introduction

Avec la sixième réforme de l’État en 2018, la matière locative a été régionalisée, ce qui a conduit les Régions flamande, wallonne et bruxelloise à élaborer et à renforcer leur propre législation en matière de loyers de logement à cet égard. La Région bruxelloise a tenté d’améliorer les relations entre les locataires et les propriétaires avec le Code Bruxellois du logement, dont les récentes modifications visaient principalement à protéger l’accès des locataires à un logement décent, abordable et durable en Région bruxelloise et à supprimer les obstacles qui s’y opposent.

Cependant, dans notre pratique quotidienne, ces modifications semblent se traduire par une politique de découragement des propriétaires-bailleurs, surtout lorsqu’ils sont confrontés à des locataires récalcitrants.

La réglementation spécifique prévue par le Code du Logement Bruxellois, combinée aux retards judiciaires, rend particulièrement peu attrayant pour les propriétaires-bailleurs privés et institutionnels le fait d’offrir encore des maisons et/ou des appartements dans le cadre de l’arrêté bruxellois sur le logement.

Alors que l’arrêté partait du besoin souvent nécessaire sur le marché locatif bruxellois de protéger les droits des locataires, il n’a pas suffisamment mesuré l’impact de cette réglementation sur les droits des propriétaires. Le résultat semble être que la réglementation en question aura un impact négatif sur la qualité des biens locatifs disponibles, d’une part, et que les propriétaires-investisseurs réfléchiront à deux fois avant d’investir sur le marché locatif bruxellois, d’autre part, ce qui est une tendance regrettable.

A titre d’exemple, prenons le cas du loyer de référence, prévu dans le Code Bruxellois du Logement, qui n’avait initialement qu’une valeur informative, mais qui, depuis le 1er mai 2025, peut faire en sorte qu’un loyer contractuellement convenu entre les parties soit considéré comme excessif et soit réduit rétroactivement.

Un autre exemple que nous évoquerons concerne la trêve hivernale, qui empêche toute expulsion entre le 1 er novembre et le 15 mars. Couplée aux retards accumulés devant certains tribunaux, cette mesure entraîne une véritable paralysie du marché locatif pour les bailleurs, confrontés non seulement à des loyers impayés (souvent irrécouvrables), mais aussi à l’impossibilité de relouer leur bien durant de longs mois, avec à la clé des dégâts supplémentaires.

Loyer de référence : une mesure sans nuance ?

La Région de Bruxelles-Capitale a mis en place un système de loyer de référence afin d’accroître la transparence des prix du marché locatif. Ce mécanisme doit permettre aux locataires et aux propriétaires de disposer d’un point de référence dit objectif, basé sur les principales caractéristiques du bien loué : surface, localisation, qualité du bâtiment, équipement, performance énergétique, etc.

L’outil de calcul disponible (https://loyers.brussels/) permet d’estimer si le loyer demandé est conforme aux caractéristiques du bien loué. L’outil se base sur un nombre limité de critères.

De plus, les autorités bruxelloises travaillent avec des loyers de référence par quartier, voire par rue, ce qui en soi impliquerait que toutes les unités résidentielles du quartier ou de la rue en question aient la même qualité de logement. Par exemple, dans une rue où il y a à la fois des logements sociaux et des immeubles de standing, on applique souvent le même loyer de référence, sans évaluer le bien lui-même.

Cela conduit à des situations absurdes où un appartement de 100 m² rénové avec goût, doté d’une terrasse, d’une cuisine moderne et d’une classe énergétique B reçoit le même loyer de référence qu’un appartement vétuste de 100 m² sans isolation ni espace extérieur dans le même immeuble.

En pratique, ce loyer de référence est de plus en plus utilisé comme norme, y compris par les fonctionnaires lors des contrôles de conformité ou des réglementations en matière de logement social. C’est encore plus le cas depuis le 1er mai 2025. En vertu de l’ordonnance du 10 avril 2025, qui précise l’entrée en vigueur de certains articles de l’ordonnance du 28 octobre 2021, un loyer peut être considéré comme présumé excessif s’il est supérieur de plus de 20 % au loyer de référence applicable (art. 224 CBL). Il s’agit d’une présomption réfutable (le bailleur peut la contester s’il démontre que la différence est justifiée par des caractéristiques particulières de confort ou de qualité).

Il en résulte évidemment une grande incertitude pour les Bailleurs, qui peuvent voir leur loyer contractuel “attaqué” à tout moment, avec le risque que le juge de paix le réduise (rétroactivement) le loyer… Les prochaines décisions judiciaires devront nous éclairer davantage sur la portée concrète de ce nouvel instrument, mais il n’est évidemment pas de nature à encourager les Bailleurs (institutionnels) à continuer d’investir et de rénover sur le marché locatif résidentiel bruxellois.

Qu’est-ce qui manque ?

Une distinction entre les immeubles en excellent état ayant fait l’objet d’investissements en matière de finition, d’efficacité énergétique ou de rénovation, et les appartements vétustes et mal entretenus situés dans la même rue. Le fait qu’un appartement ait été récemment rénové de fond en comble, qu’il présente des finitions haut de gamme ou qu’il soit doté de techniques d’efficacité énergétique ne fait guère de différence dans le loyer de référence actuellement calculé. Résultat : les biens bien entretenus ou rénovés sont pénalisés financièrement, les propriétaires qui investissent se voient contraints de demander un loyer inférieur à la valeur réelle.

Trêve hivernale, durcissement de la réglementation et retards des tribunaux : défendable – compatible ?

Qu’est-ce que la trêve hivernale ?

La trêve hivernale, également connu sous le nom de moratoire hivernal, est une période pendant laquelle les expulsions sont interdites à Bruxelles afin de prévenir le sans-abrisme pendant les mois les plus froids. Cette trêve s’applique aux expulsions durant la période allant du 1er novembre au 15 mars.

Cela signifie qu’un propriétaire ne peut pas entamer ou mener une procédure d’expulsion pendant ces mois, sauf exception. Cette exception peut-être l’existence d’une solution de relogement, le cas oui le locataire a déjà quitté les lieux, l’état de santé ou de sécurité du logement justifiant une expulsion immédiate, le comportement du locataire crée une situation dangereuse qui rend toute poursuite d’occupation impossible, ou le propriétaire se trouve dans une situation de force majeure qui l’oblige à occuper personnellement le logement.

Procédure de recouvrement et d’expulsion renforcée.

Outre cette trêve hivernale, la procédure d’expulsion a été considérablement durcie. Le préavis écrit préalable doit contenir une série de dispositions sous peine de nullité, et accorder un délai d’un mois au locataire.

Ce n’est qu’après ce délai que le bailleur peut introduire une requête auprès du juge de paix. Le juge de paix ne peut alors convoquer l’affaire qu’au plus tôt 40 jours après le dépôt de la requête au greffe. Dans la pratique, ce délai est souvent encore plus long, comme nous avons pu le constater dans certains Justices de paix de la Région bruxelloise.

Le bailleur – déjà confronté à plusieurs mois de loyers impayés avant d’entamer une procédure de recouvrement et d’expulsion – verra s’écouler un délai supplémentaire minimum de 70 jours pour la mise en demeure préalable et le dépôt de la requête, avant d’obtenir une date d’introduction devant le Juge de Paix compétent.

Le bailleur ne sera pas pour autant tiré d’affaire, puisqu’il devra d’abord obtenir un jugement, ce qui peut à nouveau prendre plusieurs mois dans certaines justices de paix si un débat contradictoire doit avoir lieu en présence d’avocats.

Ensuite, le jugement devra être signifié par l’huissier de justice.

Pour faire signifier le jugement, il faut obtenir une expédition du jugement auprès du greffe de la justice de paix compétent, ce qui en pratique peut parfois prendre plusieurs semaines. Entre la signification de l’expédition du jugement et l’expulsion proprement dite, il y a ensuite un délai légal obligatoire supplémentaire d’un mois….

Il est évident que les dommages du propriétaire-bailleur se seront alors accumulés et que les mois de loyers impayés continueront à s’accumuler, avec le risque malheureux que les dommages au logement luimême continuent à augmenter.

Ainsi, un propriétaire-bailleur qui entame une procédure pour non-paiement et/ou non- respect des obligations locatives du locataire doit souvent attendre des mois avant d’obtenir une première audience d’introduction. Mais même lorsqu’un jugement d’expulsion est finalement prononcé, son exécution ne peut avoir lieu pendant la période hivernale (entre le 1er novembre et le 15 mars environ) et certains délais doivent être respectés avant que d’autres démarches puissent être entreprises.

Cela signifie que les propriétaires sont parfois délaissé pendant plus d’un an après l’apparition des problèmes, ce qui, dans certains cas, peut également les mettre dans une situation financière difficile si certaines obligations de financement sont encore attachées à la maison ou à l’appartement du propriétaire.

La combinaison d’une réglementation renforcée, de divers moratoires que le propriétaire doit respecter, ainsi que la trêve hivernale et les retards de certains tribunaux, rendent le risque pour les propriétaires particulièrement élevé et renforcent la perception que la réglementation existante ne protège pas suffisamment leurs droits. Cela signifie également que le propriétaire-bailleur devra faire preuve de beaucoup de sang-froid et devra prendre les mesures nécessaires très rapidement à la première défaillance de son locataire. Cela ne favorisera pas vraiment le dialogue entre le locataire et le propriétaire.

Conclusion

La pratique à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui montre que le marché locatif bruxellois aspire à des règles plus équilibrées. Une politique axée sur l’accessibilité et les droits des locataires est bien sûr légitime et nécessaire, mais elle doit en même temps protéger les droits des propriétaires-bailleurs.

Le fait de pouvoir reconnaître la différence entre les biens qui ont été rénovés ou non, d’appliquer des loyers de référence réalistes, de raccourcir les délais prévus qui se succèdent dans le temps, ainsi que conditionner la trêve hivernale à certaines conditions (par exemple, un arriéré de loyer maximum de x
mois), apporterait davantage une plus grande sécurité juridique, non seulement pour les locataires, mais aussi pour les bailleurs. Sans cet équilibre, de plus en plus de propriétaires-bailleurs privés et institutionnels se retireront, ce qui entraînera une diminution de l’offre de logements locatifs de qualité et une hausse des loyers. Les bailleurs seront également contraints d’être de plus en plus sélectifsdans le choix de leurs locataires.

Ironie du sort : le Code bruxellois du Logement atteint alors l’effet inverse de celui initialement recherché.

Notre cabinet se tient bien entendu à la disposition de toute personne souhaitant une assistance juridique en matière de baux d’habitation, qu’il s’agisse de questions relatives à la rédaction d’un contrat de bail, à son exécution et/ou du règlement de litiges, comme par exemple la discussion ou la contestation du loyer, que ce soit dans le cadre d’une conciliation devant la Commission Paritaire des loyers, ou dans le cadre d’une procédure de médiation, d’arbitrage ou d’une procédure judiciaire classique devant le juge de paix compétent.

Bruno Van Haelst & Laura Vandebriel

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